Résolution d'équations du troisième degré

Au début du XVIè siècle, le mathématicien Scipione dal Ferro propose une formule donnant une solution de l'équation du degré 3 : \(x^3+px=q\) : \(x=\sqrt[3]{\dfrac{q-\sqrt{q^2+4p^3/27}}{2}}+\sqrt[3]{\dfrac{q+\sqrt{q^2+4p^3/27}}{2}}\)

Question

Donner à l'aide de cette formule une solution de l'équation \(x^3-18x-35=0\).

Indice

On pourra écrire l'équation sous la forme \(x^3-18x=35\).

Solution

Dans la formule, \(p=-18\) et \(q=35\)

\(q^2+4p^3/27=361\) donc \(\sqrt{q^2+4p^3/27}=19\)

On a donc \(x=\sqrt[3]{\dfrac{35-19}{2}}+\sqrt[3]{\dfrac{35+19}{2}}=\sqrt[3]{8}+\sqrt[3]{27}=2+3=5\)

\(x=5\) est solution de l'équation \(x^3-18x-35=0\) (on le vérifie aisément).

A la fin du XVIè siècle, le mathématicien Bombelli applique cette formule à l'équation \(x^3-15x=4\). Nous allons voir que cela peut s'avérer problématique...

Question

En essayant d'appliquer la même formule sur l'équation de Bombelli, que se passe t-il ?

Solution

Avec cette équation, nous avons \(p=-15\) et \(q=4\).

Ainsi, \(q^2+4p^3/27=-484\).

La formule ne s'applique pas car on ne peut calculer \(\sqrt{-484}\) ! !

Dans le cas du second degré, lorsque le discriminent était négatif, on en concluait à la non existence de solutions réelles, ne pouvant prendre la racine carrée d'un nombre \(\Delta<0\).

Question

Peut-on conclure de ce résultat que l'équation de Bombelli n'a pas de solutions réelles ?

Indice

On pourra penser au théorème des valeurs intermédiaires.

Indice

Calculer les limites en l'infini de la fonction \(x\longmapsto x^3-15x-4\).

Solution

On sait que la fonction \(f : x\longmapsto x^3-15x-4\) est continue sur \(\mathbb R\) car c'est un polynôme. Le chapitre des limites nous permet d'écrire cette fonction sous la forme \(x^3\left(1-\dfrac{15}{x^2}-\dfrac{4}{x^3}\right)\).

En l'infini, le contenu de la parenthèse tend vers 1. Donc on a

  • \(\lim\limits_{x \to +\infty} f(x)=+\infty\)

  • \(\lim\limits_{x \to -\infty} f(x)=-\infty\)

Le théorème des valeurs intermédiaires nous permet donc de conclure à l’existence d'au moins une solution réelle.

Bombelli a alors eu cette incroyable audace à l'époque d'écrire que \(\sqrt{-484}=22\sqrt{-1}\), partant du constat que \(\sqrt{484}=22\).

Il remarque alors que :

  • \((2+\sqrt{-1})^3=2+11\sqrt{-1}\)

  • \((2-\sqrt{-1})^3=2-11\sqrt{-1}\)

Question

En utilisant les égalités remarquables suivantes :

  • \((a+b)^3=a^3+3a^2b+3ab^2+b^3\)

  • \((a-b)^3=a^3-3a^2b+3ab^2-b^3\)

vérifier les calculs de Bombelli.

Solution

\((2+\sqrt{-1})^3=8+3\times 4\sqrt{-1}+3\times 2\times (-1)+(-1)\sqrt{-1}\)

\(~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~=8+12\sqrt{-1}-6+(-1)\sqrt{-1}\)

\(~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~=2+11\sqrt{-1}\)

\((2-\sqrt{-1})^3=8-3\times 4\sqrt{-1}+3\times 2\times (-1)-(-1)\sqrt{-1}\)

\(~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~=8-12\sqrt{-1}-6+\sqrt{-1}\)

\(~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~=2-11\sqrt{-1}\)

Question

En faisant preuve de la même audace que Bombelli, poursuivre les calculs afin de trouver une solution à l'équation de Bombelli.

Solution

On a alors \(x=\sqrt[3]{\dfrac{4-22\sqrt{-1}}{2}}+\sqrt[3]{\dfrac{4+22\sqrt{-1}}{2}}=\sqrt[3]{2-11\sqrt{-1}}+\sqrt[3]{2+11\sqrt{-1}}\)

En utilisant les calculs réalisés à la question précédente, on extrait aisément les racines cubiques :

\(x=(2-\sqrt{-1})+(2+\sqrt{-1})\) donc \(x=4\).

On vérifie aisément que \(x=4\) est bien solution de l'équation \(x^3-15x=4\).

Ainsi donc, en passant par ce nombre \(\sqrt{-1}\) qui n'est pas réel, la formule permet d'obtenir la solution \(x=4\) qui elle est bien réelle. Ainsi, l'utilisation du nombre imaginaire \(\sqrt{-1}\) s'est révélée pertinente.

Les nombres complexes \(\mathbb C\) sont nés ! Néanmoins l'écriture \(\sqrt{-1}\) utilisée pendant 200 ans est problématique comme nous allons le voir :

Question

En remarquant que \(1=(-1)\times (-1)\), calculer de deux manières \((\sqrt{-1})^2\).

En déduire que l'écriture \(\sqrt{-1}\) n'est pas correcte.

Indice

On se rappellera la propriété de multiplication des racines carrées = \(\sqrt {a\times b}=\sqrt a\times \sqrt b\)

Solution

Par définition de la racine carrée, \((\sqrt{-1})^2=-1\)

Mais on a aussi \((\sqrt{-1})^2=\sqrt{-1}\times \sqrt{-1}=\sqrt{(-1)\times (-1)}=\sqrt 1=1\)

On obtient alors \(1=-1\) ce qui n'a pas de sens. Il faut donc absolument éviter d'utiliser l'écriture \(\sqrt{-1}\)

C'est en 1777 que Leonhard Euler propose de remplacer l'écriture de \(\sqrt{-1}\) par la lettre i comme imaginaire. L'écriture moderne \(i^2=-1\) était née.